Concours d’écriture

Rimouski, le 17 novembre 2021. – Le Concours de micro-fictions est une folle idée du programme Arts, lettres et communication, option Création littéraire, et de la Bibliothèque Gilles-Vigneault du Cégep de Rimouski, qui ont envie, pour le Salon du livre pandémique que nous vivions l’année dernière, de stimuler non seulement la lecture, mais également l’écriture des jeunes et des moins jeunes de tout l’Est-du-Québec.

Il s’agit donc de la deuxième édition du concours, mais de la première cérémonie « en présentiel ».

La Société nationale de l’Est-du-Québec est fière de s’associer à cette heureuse initiative présentée lors du dernier Salon du livre de Rimouski et d’offrir une bourse de 100 $ à chacun des récipiendaires .  Vous trouverez ci-dessous les textes primés dans les trois catégories.


Dans la catégorie 14-17 ans, la gagnante est est Ann-Frédéric Forest:

La voix

« Saute… »
Ce mot peut sembler bien inoffensif. Il l’est moins lorsqu’on se trouve sur le bord d’une falaise. La voix dans ma tête, celle qui me parle nuit et jour, ne cesse de me le répéter. Je me remémore toutes les choses horribles qu’elle m’a fait faire. Devrais-je l’écouter une fois de plus? Où se trouve la limite entre le bon sens et la démence?

« Saute. »
Je regarde la mer qui se déchaîne plusieurs mètres au-dessous de moi. Des millions de questions m’assaillent, une pour chaque goutte d’eau qui s’écrase contre la paroi rocheuse du précipice. J’aimerais avoir autant de force que les vagues, mais celle que j’avais n’est plus qu’un lointain souvenir.

« Saute ! »
Quand va-t-elle enfin se taire? Le silence ne fait plus partie de ma vie depuis si longtemps. Je ne me souviens même plus de la dernière fois où mes actions n’ont pas été dictées par ce chant maléfique. Je m’approche bien malgré moi de la faille, autant de celle physique que de celle psychologique. Pas après pas, l’écart disparaît, la frontière entre ma folie et ma raison s’efface.

« SAUTE ! »
Et, comme à l’habitude, j’obéis.

Dans la catégorie Étudiants et étudiants du Cégep de Rimouski, le gagnant est Jean-François Normand, de Rimouski:

27 mars 2008

Je me demande pourquoi j’écoute ses films. C’est sans doute parce que je travaille dans un abattoir.
Un abattoir avec des jeunes sur le crack et des vieux sans retraite.
Je me cache le soir dans ma chambre pour regarder un film. Comme devant un foyer qui s’éteint lentement.
Geste de tous les matins.
Je m’habille. Mon sarrau, un gant de métal, le casque.
Les bouchons, aucun son.
Je découpe ensuite le même morceau de porc ou j’envoie des tripes dans un convoyeur, en pièces détachées, pendant huit heures.
À l’usine, le monde extérieur s’abolit et le temps perd son importance. Le dehors s’oublie.
On est bien avec soi-même. On est bien, avec soi-même.
Après la probation on reçoit un verre un plastique aux couleurs de l’entreprise.
Dans ma tête, je me rejouais le film de la veille, comme une matinée animée en pyjama avec le regard perdu sur la viande.
Le même film s’estompait avec les heures et les jours. Au bout de quelques mois, il ne restait que le début peut-être, sans les personnages.
J’étais heureux de pouvoir rêver, de me satisfaire de si peu.

Dans la catégorie Grand public, la gagnante est Rose-Marie Lafrance de Notre-Dame-du-Portage:

Sortie de secours

Elles émergent du sous-bois en se bousculant. Je souris. Elles ressemblent à des écolières turbulentes qui sortent de l’école. Nous sommes au cœur de l’été. Leur pelage est brun foncé, mais le ventre et l’intérieur des pattes ont capturé le blanc de l’hiver. Une seule a le bout de la queue noir. La plus petite, ma préférée. Je l’ai nommée Hermione.

Comme toujours, elles se dirigent vers cette petite ouverture, à gauche, au  bas de la porte, l’entrée de leur repère. Le temps et les intempéries ont dû creuser une faille dans le plancher du vieux camp, car un autre accès se trouve sous la cabane. C’est la sortie de secours, celle qui permet de filer incognito jusqu’au ruisseau.

Quelqu’un frappe à la porte, la voix de ma mère :

Ma chérie, la dame des services à domicile est là. Elle va t’aider à te lever et à prendre ton bain.

Je ferme les yeux. Les hermines quittent à nouveau leur refuge en se chamaillant et en couinant. C’est à qui sortira la première pour filer vers la forêt.

Félicitations aux trois récipiendaires et merci aux personnes qui ont rendu possible ce concours !

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