La Société nationale de l’Est du Québec a participé avec enthousiasme encore cette année à trois activités reliées au Salon du Livre de Rimouski. Lors de l’ouverture officielle du salon, le 1er novembre, le président, Monsieur Alain Martineau a remis une bourse de 500 $ à Madame Tina Laphengphratheng, auteure du texte Les faces dégoulinantes, créé spécialement pour le concours orchestré par Madame Katherine Gosselin, professeure au Baccalauréat en création littéraire à l’UQAR.
Le lendemain, la Société nationale présentait la Dictée de la Bibliothèque Gilles Vigneault. Pour cette occasion, c’est le président d’honneur du Salon du livre, l’auteur Alexandre Jardin, qui a lu aux participants·es un extrait d’une de ces œuvres. Laurie Fortin, étudiante au Cégep de Rimouski, s’est méritée le premier prix et Catherine Babin, membre du personnel de l’établissement, s’est vue récompenser pour la deuxième année pour une dictée sans faute !
Finalement, le samedi, le concours l’Écorce fabuleuse remettait ses bourses aux jeunes élèves du secondaire dans le cadre de son concours régional annuel. Le président de la SNEQ a remis à cette occasion une bourse à un élève de l’École Saint-Jean de Rimouski, Monsieur Isma El Ouafi, gagnant avec son texte L’Éveil planétaire.
Voici le texte de monsieur El Ouafi :
L’éveil planétaire
Alors que la planète bleue filait droit à sa perte, alors que chaque cité gerbait une quantité astronomique de nuages nauséabonds, alors que tout semblait perdu, un scientifique tenta le tout pour le tout et d’un croisement cellulaire désespéré, une plante naquit. Elle semblait tout à fait banale, mais en grandissant, sa capacité d’absorption de gaz carbonique fut démultipliée.
Il n’en fallut pas moins pour que l’humanité saute sur l’occasion.
Aujourd’hui, on retrouve cette végétation partout où l’on pose le regard, que ce soient sur les petits formats présents sur les toits ou les titans majestueux qui peuplent les forêts. La fumée noire qui planait au-dessus de la tête de tous, telle une épée de Damoclès, s’est entièrement résorbée pour ne laisser place qu’à un ciel de saphir orné d’un soleil radieux. Chaque étendue d’eau, autrefois grouillante de corps inertes et de détritus déplorables, est maintenant miroitante et gorgée d’alevins grâce aux travaux de nettoyage entrepris par l’ensemble de la population.
Sur les routes, plus aucune voiture à essence ni même à électricité ne circule. Leurs fabricants ayant été inspirés par la poussée écologique mondiale, elles sont à présent toutes habillées de panneaux solaires. Les maisons et immeubles, aux fenêtres adamantines, sont équipés d’un ingénieux système de récupération d’eau pluviale directement relié au réservoir de la ville. Pendant ce temps, sous leurs pieds, plusieurs milliers de plantes voient le jour et grandissent dans ce qui fut appelé autrefois la permaculture souterraine, là où les minéraux abondent et où le climat est idéal. Partout au Québec, des chambres sismiques semblables ont été érigées, dans l’espoir de pouvoir alimenter les citoyens plus sainement.
Des tonnes d’habitats ont été reconstruits, permettant aux communautés animales de retrouver leur autonomie d’antan. Le concept de dépotoir a été annihilé et la production de ressources non renouvelables, interdite. Tout est maintenant recyclé, puis réutilisé afin de laisser le temps à la planète de régénérer les ressources dans lesquelles l’humain a autrefois puisé excessivement. Chacun des anciens fléaux a été analysé, puis domestiqué, avant de disparaître, le tout dans une reconnaissance écologique.
Il n’est pas encore trop tard. Cela dit, c’est maintenant ou jamais.
Voici le texte de madame Laphengphratheng :
Les faces dégoulinantes
Je me suis habillée. Un t-shirt manches courtes ligné blanc et bleu marine. Des shorts noirs. Mes Vans aux pieds. Je me suis arrêtée au dépanneur m’acheter un café. Deux sucres, un lait, une crème. Je suis allée au quai, voir les bateaux passer. J’ai pensé à toi à chaque marin aperçu. C’est peut-être toi, dans dix ans, vingt ans. Je me demande s’ils ont un chien, des chats, une femme, des enfants. Si c’est vrai que c’est possible, être heureux loin de ceux qu’on aime. Je me le demande sans cesse pendant que je fais la glue sans cesse. En pensant à toi, à moi et à tout le potentiel entre les deux. Mais toujours, j’aboutis à nos vies en parallèle.
C’est la faute à personne. C’est le trop de vouloir, les horaires, le nécessaire comme faire son lavage, la vaisselle, prendre une douche. Ce sont les quand est-ce que tu arrives, quand est-ce que tu reviens, quand, quand, quand. Et bien sûr, trop souvent les attentes et les déceptions. Mais la mer. C’est surtout la mer. Je sais que tu l’aimes plus que moi.
Pour une fois, je m’en fous de savoir si ça te tente, si tu es trop fatigué, si tu as autre chose à faire. Ce soir oui ce soir. S’il-te-plait. Prends mes morceaux. Ma face ne dégoulinera pas. Je garderai mon cerveau dans ma tête. Je ne le perdrai pas c’est promis. On allumera les lumières de Noël accrochées aux murs dans ma chambre. Ce sera doux. On aura les corps tièdes, les mains moites, les joues rouges. Comme des amants qui apprennent à se connaître.
Tu me demandes si je t’aime encore. Ta face dégouline. Tes joues goutent le sel. Je n’arrive pas à te dire que c’est la mauvaise question. Je n’arrive pas à te dire. J’arrive juste à te faire. Je te fais de la lasagne, du pad thaï, du Kraft Dinner, des lunchs. Surtout des lunchs pour apporter. Je te fais des crises de crisse de folle qui essaye de se contenir à chacun de tes départs et qui te cache sa face dégoulinante pour que tu reviennes. Je te fais le chat avec le bout de mon nez. Je te fais des massages. Je te fais trop de bisous. Et l’amour. Je me toi, sans cesse. Même quand tu n’es pas là. Je te fais de la place dans mon lit, au cas où. Tu devrais plutôt me demander, si je veux continuer à te faire.